Le puzzle, vrai champion lors du confinement ?

Après les razzias dans les supermarchés sur le papier toilette, les pâtes, la farine, …, le marché a connu un autre produit phare : le puzzle ! Activité de longue durée sans écran (même si l’on trouve aussi des applications qui proposent cette occupation), elle fut plébiscitée dans de nombreuses familles.

Réglons tout d’abord un problème de prononciation car il y a deux écoles : ceux qui disent « peuzle » et ceux qui optent pour « peuzeul ». Ou alors, solutionnons le problème en copiant nos amis canadiens qui emploient le mot : « casse-tête ».

Pourquoi un tel engouement aujourd’hui ?

La dernière fois que l’intérêt pour les puzzles a augmenté fut pendant La Grande Dépression. De nombreux parallèles peuvent être faits avec l’époque présente : entreprises fermées, chômage, familles inquiètes pour l’avenir, précarisation, longues files d’attente devant les distributions alimentaires. Anne Williams (auteur de The Jigsaw Puzzle : Piecing Together a History), qui a analysé le lien entre la crise sanitaire de la Covid-19 et la Grande Dépression des années 30, écrit que « les puzzles représentent un moyen de contrôle, un moyen de relever un défi et d’être capable de le résoudre » … contrairement à la réalité. Il n’est pas difficile de voir les parallèles entre la soif de puzzles pendant la Grande Dépression et aujourd’hui. Il semble que chaque fois que beaucoup de gens se retrouvent au chômage, coincés à la maison ou avec un sérieux besoin d’un divertissement et d’un soulagement du stress, les puzzles gagnent en popularité.

Pendant le premier confinement, des célébrités comme la présentatrice américaine Ellen Degeneres ou la chanteuse Angèle ont partagé sur lnstagram les heures passées pour venir à bout de leurs mille pièces.

Bon pour le moral et les cellules grises.

On peut constater que « les puzzles offrent un certain bienfait sur la santé mentale et la santé en général ». Car oui, le puzzle est un sport cérébral pour qui veut faire travailler ses cellules grises. Une étude clinique de l’université d’Ulm (Allemagne) démontre que « faire un puzzle mobilise de nombreuses capacités cognitives et peut contribuer à les conserver jusqu’à un âge avancé ». La conclusion de l’étude montre que « faire des puzzles fait travailler huit fonctions visuo-spatiales : la perception, les praxies constructives, la rotation mentale, la flexibilité, la mémoire de travail, la rapidité, le raisonnement et la mémoire épisodique à court et long terme ! »

Un aspect très positif est aussi celui de la progression. A un certain moment, on reste bloqué quelques … minutes, heures, jours, c’est un défi de continuer et l’on prend plaisir à le surmonter et quand arrive la solution, c’est un moment qui déclenche une charge d’excitation, qui active une partie de notre cerveau, celle liée à la récompense. Notre cerveau libère à ce moment-là de la dopamine (la molécule du plaisir). Attention à l’addiction et à ne pas par plaisir vous transformer en céphaloclastophile (collectionneur de casse-tête) ! Certains n’hésitent pas non plus à envoyer par mail ou SMS la photo de leur progression à la famille et les amis !

D’autre part, en nous concentrant sur ces centaines ou milliers de pièces disparates, nous écartons les autres soucis pour un temps plus ou moins long et peut-être même que cela peut nous plonger dans un état méditatif. Plusieurs études montrent que toutes ces pratiques sont bénéfiques et s’opposent à l’anxiété ressentie dans une situation non maîtrisée.

Quelle en est l’origine ?

Urbain Chevreau (1613-1701), secrétaire des commandements de la reine Christine de Suède, raconte que, vers 1650, celle-ci ordonna que ses plus belles peintures soient découpées en morceaux et collées au plafond.

Cependant, c’est en Angleterre que ce jeu de reconstruction, de patience, appelé « dissected maps » (cartes découpées) fit son apparition en 1760. En effet, un certain John Spislsbury eut l’idée de découper des cartes de géographie collées sur des supports en bois à des fins d’apprentissage de façon ludique. Leur nom anglais devient “Jigsaw puzzle” vers les années 1880. Jigsaw se traduit par « scie sauteuse » même si les premiers modèles étaient découpés à la « scie à chantourner » (fretsaw). Aujourd’hui encore, dans le monde anglo-saxon, on utilise le terme de « jigsaw puzzle » pour décrire la version classique du puzzle.

Si l’on est un peu chauvin, on peut toujours attribuer à la France les premiers puzzles : des cartes géographiques découpées « à l’usage du Roy » conservées à la Bibliothèque Nationale.

« Carte d’Europe dressée pour l’usage du Roy sur les Itinéraires anciens et modernes et sur les Routiers de mer assujettis aux observations astronomiques » – Carte établie en 1724 par Delisle Guillaume – 48 pièces – manque 3 pièces (France, Pologne et Russie) – 1769 – code BNF : GE A- 305

Les cartes géographiques contrecollées sur bois et découpées selon les limites géographiques constituent le premier type de puzzles imaginé. C’est une éducatrice française, Mme Le Prince de Beaumont, installée à Londres dans les années 1750, qui semble la première en avoir proposé à ses élèves. Cette carte d’Europe fait partie d’une série de quatre « jeux de patience », conservés au département des Cartes et Plans, réalisés après 1775 à partir de cartes du géographe du roi Guillaume Delisle (Afrique, Amérique, Europe et France). Elle constitue le premier exemple de puzzle géographique français connu à ce jour. A la différence de l’Angleterre où les puzzles géographiques sont commercialisés dès les années 1760, d’abord par des éditeurs cartographiques (John Spilsbury, Th. Jefferys, Rob. Sayer, etc.), puis par des éditeurs de livres pour enfants (W. Darton et J. Wallis), le circuit de production et de diffusion ne semble pas s’être organisé en France avant le XIXème siècle.

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