Agriculture dans le Vexin d’hier à aujourd’hui

Le Vexin, qui tire son nom des Véliocasses, tribu celte établie en ces lieux, est une région naturelle, au nord-ouest de l’Ile-de-France, comprenant les départements de l’Oise, du Val d’Oise et des Yvelines. C’est un vaste plateau calcaire fertilisé par les limons déposés par ses rivières : Seine, Oise et Epte et cours d’eaux dont, en Yvelines, la Montcient et l’Aubette ; il a toujours été propice à la grande culture à vocation céréalière tandis que les bois prenaient place sur les buttes où affleure le calcaire, constitué de gypse et de meulière très dure exploités dès le Haut Moyen-Age. Mais cet espace rural fait trop souvent place à l’urbanisme, phénomène qu’accentuera certainement la nouvelle entité « Grand Paris Seine et Oise » (GPS O) au grand dam de nombreux Yvelinois, nostalgiques d’un passé plus campagnard.

Il est important maintenant de rapprocher les urbains des ruraux. C’est la mission première du « Parc régional naturel du Vexin » depuis sa création en 2007, qui s’attache aussi à la sauvegarde de la biodiversité grâce à une meilleure connaissance du milieu naturel. Penchons-nous un moment sur ce trésor qu’est le Vexin, voué presqu’uniquement à l’agriculture et à l’élevage avec les métiers et commerces qui en découlaient. Ce caractère purement rural, c’est celui que nos anciens ont connu ; il rythmait les saisons et les jours bien que des mutations importantes aient peu à peu modifié leur vie au cours des âges.
Une première révolution agricole importante s’était opérée au XVIIIe alors que 80 % des terres étaient couverts de labours. Le développement de l’élevage a permis un meilleur rendement des terres, tant au point de vue qualitatif que quantitatif, grâce au fumier animal. On perfectionna aussi l’outillage, on sélectionna les graines principalement celles de seigle et de froment, « le méteil », pour un meilleur pain, on intensifia l’assolement triennal. Tous ces facteurs permirent d’améliorer les rendements.
Trois aliments de base sont alors cultivés : fèves, lentilles, pois et plus tard haricots ; on récoltait aussi les châtaignes L’arrivée de la pomme de terre (1785) va modifier les habitudes alimentaires. Il faut attendre le blocus continental de Napoléon 1er qui entraîne l’impossibilité d’importer des Antilles le sucre de canne, pour que se développe la betterave sucrière et ses usines ; elle connaîtra un certain déclin dès le blocus levé.
A ces cultures vivrières, il faut ajouter le fourrage pour les animaux qui assurent l’alimentation, le transport des gens et des marchandises, le travail dans les champs et la fertilisation de la terre, la betterave fourragère concurrencée par le maïs pour les bovins. Quant à la vigne, elle a connu un véritable essor jusqu’au milieu du XIXe siècle avec l’augmentation de la surface plantée et l’amélioration du rendement qui passe de dix-sept à vingt hectolitres par hectare. Les plans établis sous la responsabilité de Bertier de Sauvigny intendant de la généralité de Paris, avant la Révolution, définissent la surface plantée de vigne : exemple à Juziers 252,73 ha qui « donne bon an mal an 5 000 hectolitres de vin rouge surtout ; il est avec le vin de Follinville, le plus prisé de l’arrondissement » dixit Marcel Lachiver, historien du terroir de notre région. L’arrivée du phylloxera à la fin du XIXe siècle ruinera peu à peu cette culture malgré des tentatives de réimplantation ; la concurrence de vins de meilleure qualité participera aussi à l’abandon des vignobles au profit de vergers, nouvel atout pour notre région. L’arrivée du chemin de fer va offrir des possibilités nouvelles d’exportation des produits de la terre (1892).
Les conséquences de la Révolution avec son cortège de dislocations des grands domaines seigneuriaux ou religieux (abbayes) et le rachat des biens nationaux en petites parcelles, ont modifié le paysage rural mais il conserve néanmoins son aspect de bocage avec ses haies et ses chemins creux entre deux talus.
L’aménagement du foncier agricole et forestier par échange de terre favorisé par la loi du 16 juin 1824, n’a pas l’impact prévu car chacun a peur de perdre au change ! Celle de 1918-1919 offre la possibilité de lotir les terres agricoles, loi qui sera renforcée par des outils juridiques très rapides. Le paysage se modifie quand, pour faciliter l’accès aux champs des grosses machines agricoles et la rentabilité horaire, on supprime les haies, les chemins creux, les talus ; on déplace même fossés, petits rus et mares. Si cela se fait légalement après enquête publique, on a détruit l’ancien maillage. Heureusement en 2007, le Grenelle de l’environnement propose une nouvelle forme de remembrement « environnemental et écologique » dont nos enfants verront les bienfaits tant sur la flore que sur la faune naturelle qui, elle aussi, a bien souffert et de la prolifération des produits chimiques et de la suppression des haies, leur remise.
Cette nature que nous aimons tant, pas besoin d’être Lamartine ou Vigny pour la chanter !
C’est, vous en conviendrez, le plus beau cadeau que le Créateur nous ait confié.

Ghislaine Denisot