En famille, quatre-cents vingt kilomètres avec l’Archange

De tout temps, la foi a guidé les croyants de toutes religions vers divers sanctuaires qu’il serait impossible d’énumérer tant ils sont nombreux ; depuis toujours, des chrétiens ont obéi à cet appel. Ne sont-ils pas considérés comme des pèlerins marchant pas à pas vers la Cité céleste ?

Aujourd’hui le pèlerinage attire toujours mais avec des nuances dans les motivations qui peuvent aller de l’exploit sportif à la recherche spirituelle en passant par le simple besoin de tout quitter pour se retrouver soi-même. En 2010, nous avions parlé du pèlerinage de Saint Jacques de Compostelle à travers le témoignage d’un pèlerin de Meulan ; aujourd’hui c’est avec la famille Maillard que nous prenons la route du Mont Saint-Michel, avec une nuance de taille : il ne s’agit plus d’une démarche individuelle, mais de celle d’un papa et d’une maman avec leurs six enfants ! Folie disent les uns, admirable affirment d’autres, ajoutant qu’ils se sentent bien incapables d’une telle aventure. Alors nous sommes allés à la rencontre de cette famille de notre doyenné pour en savoir plus, mieux comprendre leur démarche et comment ils ont réalisé ce beau projet.

Le rêve de faire un pèlerinage en famille remonte à plusieurs années : Damien et Cécile habitent, à cette époque, Figeac, sur une des routes de Saint Jacques de Compostelle et rêvent de prendre à leur tour le « chemin » lorsque leurs enfants auraient un peu grandi. Et puis la mutation professionnelle de Damien les conduit dans la région parisienne ; alors ils se tournent vers le Mont Saint Michel, d’autant que la dévotion à l’archange a toujours tenu une bonne place dans la famille de Cécile. Le pèlerinage est programmé pour 2013, car les enfants auront alors de 13 à 7 ans. Quand arrive, au début de cette même année le petit Séverin, Damien et Cécile ne remettent pas leur projet n’imaginant pas attendre sept ans de plus ! Et puis bébé n’est pas encore trop lourd. Il fera son pèlerinage porté par sa maman et souvent nourri en marche, quel rêve pour lui de passer un mois à son contact, bercé par son pas et les chansons qui ont si souvent scandé la marche de la famille. Notons du reste que c’est le seul qui ait pris du poids au cours du pèlerinage !

La décision prise et pour les enfants, c’était acquis ; dès 2012 ils ont commencé les préparatifs : la route tout d’abord, laquelle emprunter ? Le guide du pèlerin en trace une depuis ND de Paris qui est fort bien balisée et qu’ils reprendront à Berchères (Eure et Loir) après une première étape à Juziers, saint-Michel oblige ! puis à Septeuil (Yvelines).

Un pèlerin ne doit pas alourdir sa charge et chacun n’a emporté dans son sac que tapis de sol, duvet et un rechange ; on lavera chaussettes et slips chaque soir, ils sècheront dans la nuit puis à l’étape suivante. Damien a aménagé une remorque avec un harnais qu’il endossera tout le long du chemin : c’était assez « physique » ! Elle contenait le strict nécessaire pour Séverin et pour les repas des grands : réchaud, casserole, aliments etc. Assez vite les sacs à dos des plus jeunes y ont trouvé refuge afin de ménager leurs petites jambes. La route : 420 km, pas d’erreur possible car ils avaient pris soin de fixer à la remorque un compteur. Elle fut le plus souvent très bucolique et facilitée par le beau temps ; il n’y eut qu’ une seule crevaison de la remorque qui s’est tout de même embourbée une ou deux fois. Alors joyeusement on la déchargeait pour repartir vers la nouvelle étape qui, si elle était prévue, était inconnue.

Ce qui motivait les enfants, toujours avides de nouveauté, c’était ce qui les attendait chaque soir, qui accueillerait la famille ? Cela soutenait leur ardeur et quand elle flanchait, une petite barre de céréale y remédiait. Les accueils, toujours très chaleureux, furent variés, avec souvent un repas à la clé, soit chez des particuliers dans des locaux prêtés par une commune ou au sein de communautés religieuses. Certains les ont particulièrement marqués ainsi chez ce prêtre âgé qui leur offrit à dîner autour d’un poulet qu’il était allé chercher à la ferme. Plus émouvant encore l’accueil des bénédictines d’Argentan qui leur ont permis de dialoguer au parloir à travers la grille de la clôture. Se sentir attendus, portés par la prière quel réconfort, quelle joie profonde ! « on a touché concrètement le poids de la prière ».

Sans être certains qu’ils iraient au bout de leur aventure mais, étape après étape, de seize à vingt km chacune, coupée d’une bonne pause à midi, en quelques vingt-huit jours, ils sont arrivés au Mont. Chaque matin, ils offraient le chemin qu’ils devaient parcourir : « que chacun de nos pas soit prière ».

Un guide les attendait pour la traversée de la baie, étape spirituelle sur le thème des trois sacrements de l’initiation chrétienne : baptême, eucharistie, confirmation. Puis ce fut l’abbaye, joie de la découverte pour les enfants, messe d’action de grâce, et privilège d’une nuit passée au cœur même du Mont, sous la protection de l’Archange.

En faisant un rapide bilan, Cécile avouait que les trois premiers jours avaient été difficiles, très fatigants surtout pour elle qui portait le bébé, mais qu’après ce rodage et hormis un pic de grosse chaleur, tout s’était très bien passé, «  la Providence ne nous a pas quittés, c’est fou la force de la prière ! » et d’ajouter «  tout au long du chemin, on chantait parfois, on jouait, quelle imagination ont les enfants !  Nous sommes tous revenus en pleine forme, la vie au grand air y est sans doute pour quelque chose. La vraie joie ce fut d’être tous ensemble et heureux d’avoir été au bout ».

Et aujourd’hui ? « Bien sûr les enfant en parlent, mais ils n’ont pas l’impression d’avoir fait quelque chose d’extraordinaire. Cela n’a rien changé à notre quotidien, mais cela change tout ! On sait qu’on peut entreprendre et compter les uns sur les autres ».

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