Et si à l’Elysée (ou ailleurs …), on parlait cadeaux diplomatiques

Il est de coutume de se présenter en tant qu’invité avec un petit cadeau pour remercier ses hôtes et cela se fait aussi lors des réceptions diplomatiques … (avec ou sans arrière-pensée ?)

Il fut dit que pour sa première visite d’état en Chine, du 8 au 10 janvier 2018, Emmanuel Macron a fait le choix d’une « diplomatie du cheval » en réponse à la « diplomatie du panda » chinoise.

Cependant le don d’animaux entre souverains, remonte à très longtemps. L’un des exemples les plus célèbres est sans doute la girafe Zarafa offerte par Méhémet-Ali, vice-roi d’Egypte, au roi Charles X en 1826. Elle traversa la France depuis Marseille pour arriver à Paris (880 km) deux mois plus tard.

On peut encore citer pêle-mêle : dromadaires du Tchad, oryx de Djibouti, ours malais, tortues sulcatas, singe brazza, python seba, tigres du Bengale (offerts à Georges Pompidou), bisons d’Europe (offerts à Giscard d’Estaing), éléphants dont Kaveri, une éléphante d’Asie offerte à François Mitterrand par le Premier ministre de l’Inde, Rajiv Ghandi, pour l’inauguration de l’Année de l’Inde en 1985. On parle aussi d’un chameau qui avait été offert par la ville de Tombouctou à François Hollande. Mais la pauvre bête, qui était restée finalement au Mali, a fini dévorée sur place, selon le magazine Valeurs actuelles.La plupart de ces cadeaux ou leur descendance peuvent être vus au parc zoologique de Vincennes, à la ménagerie du Jardin des plantes ou à la galerie du Muséum.

Depuis 1973, date de la convention de la Cites, dite convention de Washington et ratifiée par la France, ces cadeaux animaliers se sont faits plus rares. Il n’empêche que ces présents diplomatiques existent toujours, alors quels sont-ils et que deviennent-ils ?

La réserve Alma

En France, il n’y a dans la loi aucune disposition spécifique en ce qui concerne les présents entre chefs d’Etat. Cependant, ces cadeaux n’appartiennent pas à la personne du chef de l’Etat (à l’exception de ceux qui sont nominatifs) mais aux Français. Aussi, ils sont entassés dans une incroyable caverne d’Ali Baba, la réserve Alma, une salle d’environ 250 m² dédiée à ces cadeaux présidentiels. Depuis 1982, un restaurateur d’art occupe le poste de gardien de ces trésors, Luigi Ottavi.

Le Parisien, à la suite d’une rencontre avec ce gardien du temple, décrit ainsi cet antre : « … la réserve n’a rien d’un capharnaüm. Chaque bien est soigneusement consigné. Les plus coûteux, comme des bijoux offerts par les pétromonarchies du Golfe, se trouvent dans des armoires blindées, fermées à double tour. Au fond de la pièce, des tapis précieux, sur une étagère, un sabre en or serti de diamants et de bois rares remis par l’Arabie saoudite, … Les présents plus volumineux se trouvent dans une autre pièce. Parmi eux un somptueux trône en peau de zèbre – avec, au dos, la crinière de l’équidé ! – offert par l’Afrique du Sud. »

Lorsque les présidents quittent l’Elysée, ils ne gardent pas les cadeaux reçus mais en choisissent la destination. Deux possibilités s’offrent à eux : soit ils sont légués au Mobilier national pour décorer et meubler les ministères et les préfectures, soit dispersés dans des musées.

Pour François Mitterrand, président de 1981 à 1995, quatre lieux accueillent les cadeaux reçus par le président :

  • Le musée du septennat à Château-Chinon abrite les cadeaux officiels ou personnels reçus par François Mitterrand dans le cadre de ses fonctions et donnés par lui au département de la Nièvre. En 1988, un nouveau bâtiment relié au premier par une vaste salle souterraine a été édifié pour abriter les cadeaux offerts durant le deuxième septennat. Céramiques, verreries, pièces d’argenterie et d’orfèvrerie, dessins, gravures, tableaux, meubles et tapisseries sont exposés. On trouve à côté de ces objets, une information générale sur les voyages présidentiels, illustrée de photographies montrant la remise des cadeaux au président.

Musée du Septennat 6, rue du Château 58120 Château-Chinon.

  • La médiathèque Jean Jaurès à Nevers. Elle conserve un fonds François Mitterrand exceptionnel. Il s’agit de la deuxième pièce maîtresse des fonds patrimoniaux qui y sont conservés. Après avoir donné dans un premier temps les objets qu’il avait reçus au cours de ses fonctions depuis son élection en 1981 au musée du septennat à Château-Chinon, François Mitterrand a fait don à la bibliothèque de la ville de Nevers des livres qui lui avaient été offerts depuis cette même date. Cela représente près de vingt mille volumes. Le fonds se compose de livres non dédicacés présentés en accès libre, de près de dix mille livres dédicacés et de livres précieux conservés dans un magasin. L’amateur de reliures, le bibliophile est comblé. Le fonds illustre bien les styles de reliures du monde entier : l’Amérique latine, avec une reliure en poulain, le Maroc avec des reliures mosaïquées, l’Inde et l’Indonésie avec le raphia et le coton, la Suisse et la Géorgie avec le métal…

Médiathèque Jean Jaurès 17, rue Jean Jaurès 58000 Nevers.

  • Le musée d’Art et d’Histoire Romain Rolland, à Clamecy abrite quant à lui les tableaux reçus par le président. Cette donation fut accomplie officiellement en 1994 ; Danielle Mitterrand vint l’inaugurer le 6 juin 1998. Elle se compose en majorité d’huiles sur toile, mais aussi d’huiles sur bois, sur carton et sur papier, de dessins, fusains, gouaches et pastels, de gravures et de lithographies, de céramiques et de quelques techniques mixtes. Encadrées pour la plupart, ces œuvres ont été réalisées essentiellement par des artistes contemporains encore peu connus.

Musée d’Art et d’Histoire Romain Rolland avenue de la République 58500 Clamecy.

  • Le musée François Mitterrand, à Jarnac. Afin d’honorer sa ville natale, François Mitterrand a souhaité offrir une collection d’objets, de sculptures, de gravures, de dessins et de portraits, divers objets tous offerts au président par des personnalités du monde entier ou par des artistes eux-mêmes.

Le musée François Mitterrand a été aménagé dans un ancien chai de Cognac. Il est composé de deux salles : la salle des Donations et la salle des Architectures capitales. François Mitterrand avait choisi lui-même ce lieu et avait tenu à participer à l’aménagement de la salle des Donations qu’il a inaugurée le 6 mars 1995. Seule, la mappemonde n’est pas un cadeau reçu mais le cadeau officiel que le président offrait à ses hôtes étrangers et qu’il avait fait personnaliser en y notant les lieux français qui lui étaient chers : Jarnac, Château-Chinon, Latché et Solutré.

Musée François Mitterrand 10 quai de l’Orangerie 16200 Jarnac.

Pour Jacques Chirac :

Figurine à l’effigie d’un sumotori
Offert par Ryutaro Hashimoto, Premier ministre du Japon, lors de la visite d’Etat du président au Japon, du 16 au 22 novembre
1996 – © Musée Jacques Chirac
  • Le musée du président Jacques Chirac, situé à Sarran, au sud-est du massif des Monédières en Corrèze, abrite la collection des objets offerts au président dans l’exercice de ses deux mandats (1995-2007). La vocation du musée est avant tout de proposer, autour de cent cinquante cadeaux présentés en permanence, un regard sur le monde d’aujourd’hui. Ces objets constituent en effet autant de traces, tangibles et symboliques, des rencontres et des événements internationaux qui ont marqué les deux mandats de Jacques Chirac en tant que président de la République.

La collection permanente : c’est un musée de cadeaux. Ils sont répartis dans une salle par zones géopolitiques. Une présentation qui permet d’aborder, autour d’une centaine de pièces sélectionnées pour leur histoire et pour leur impact visuel, le rôle du président de la République, la politique étrangère menée par la France, l’état du monde, les relations entretenues entre chefs d’État, le contexte d’échange, le protocole, …

La réserve visitable : Le musée met à la disposition du public un millier d’objets. Ils sont ici présentés à la manière d’une galerie d’étude. Notices papier et bornes interactives donnent accès aux informations principales sur ces objets – cadeaux du monde.

Musée du président Jacques Chirac 4 route du musée 19800 Sarran.

Bruno Gonin

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