En parlant avec Philippe Cumunel

Après avoir évoqué l’ordination diaconale de Philippe Cumunel dans un article publié en janvier, nous sommes allés à sa rencontre pour que vous puissiez mieux le connaître.

Bonjour Philippe, merci de nous accueillir chez vous, à Triel, pour cette interview.

Le dimanche 28 novembre dernier, nous étions nombreux à nous rendre à l’église Saint-Vincent-de-Paul à Villepreux pour assister à votre ordination diaconale. Depuis, nous sommes dans la joie d’avoir un diacre dans notre groupement paroissial de Meulan-Triel. Avant d’aborder le long parcours qui vous a amené à répondre à cet appel au ministère diaconal, merci de vous présenter.

J’ai 55 ans, je suis marié avec Catherine et nous avons quatre grands enfants, un gendre et une petite fille de 6 mois.

J’ai grandi dans une vallée industrielle de la région stéphanoise au sein d’une famille catholique, une famille de quatre enfants, deux grandes sœurs et un frère à peine plus âgé que moi. Nos parents nous ont élevés dans un milieu ouvert, l’essentiel de ma scolarité se faisant dans les écoles publiques de la vallée, beaucoup de sport au sein des amicales laïques municipales et des amis de tous milieux, de tous horizons. Je rends grâce à mes parents de nous avoir donné cette ouverture avec un bémol et pas des moindres : je mettais peu d’effort dans ma scolarité et pas plus dans le catéchisme et ce dernier point n’est pas anecdotique.

Justement, quel était votre rapport à la religion à ce moment-là ?

Malgré ma faible réceptivité pour les leçons de catéchisme, j’avais pourtant cette conscience profonde de la présence de Dieu dans ma vie. J’ai cheminé au sein d’une église populaire traversée par une crise majeure, aux côtés d’un papa non pratiquant malgré sa grande culture religieuse et j’ai dû souvent faire le choix entre la messe du dimanche, seul ado au milieu d’une communauté me paraissant bien âgée, et les matchs de basket ou de tennis du dimanche matin.

Il y a dû y avoir quelques bons anges gardiens pour nous éviter de tomber dans le piège, pour veiller sur nous … et nos parents devaient être de ceux-ci.

Arriva le temps des études universitaires d’économie et de finances à Saint-Etienne puis à Lyon. Un concept m’apparut comme central au milieu des doctrines marxistes, keynésiennes ou libérales : le concept de confiance. Ce mot tout simple qui se traduit en italien par credito (faire crédit) vient du latin « croire ». Je considérais que l’économie ne pouvait fonctionner sans confiance, sans espérance … : la question était alors de savoir en qui je mettais ma confiance. Un ami me dit un jour « Confiance vient du latin fides, la foi ».

Ce temps d’études fut marqué par des amitiés fortes avec des personnes m’amenant à mieux connaître l’Eglise : des prêtres à peine plus âgés que moi, des jeunes accueillant des vocations religieuses, des groupes de prières, de personnes lumineuses bousculant mon absence de certitudes … et la rencontre de ma future épouse.

Et concernant votre famille, vous la fondez à quel moment et quand arrivez-vous à Triel ?

Nous nous sommes mariés avec Catherine en 1992 et avons commencé notre vie de famille à Lyon avant de rechercher de nouveaux horizons. Une opportunité professionnelle en région parisienne et nous voilà fin 1998 à rechercher une maison entre Poissy et Cergy-Pontoise. Traversant Triel, nous rentrons dans l’église et décidons que c’était là que nous souhaitions habiter. Le lendemain, nous visitions la maison qui allait nous accueillir début 1999.

Nos quatre enfants grandissent à Triel, entre école Notre Dame, scoutisme et paroisse. Nous rénovons coup sur coup deux maisons à Triel. Catherine et moi-même nous engageons également dans plusieurs missions paroissiales ou scolaires, Catherine étant clairement beaucoup plus investie que moi, mes faiblesses catéchétiques ne favorisant pas mon élan missionnaire !

De l’économie et de la finance au diaconat, le parcours n’est pas évident. Pouvez-vous nous parler de votre cheminement ?

Je reviens sur le mot « confiance » qui m’amène petit à petit à m’interroger sur le sens de ma foi, avec le poids de mon inculture catéchétique qui réduit fortement ma capacité à comprendre le sens des mots, à comprendre la portée de la Parole. Je me questionnais, je questionnais mais je tournais en rond. J’optais pour des missions manuelles, parce que, là au moins, je comprenais le pourquoi du comment.

Puis le 25 janvier 2013, jour de la fête de la conversion de saint Paul, le père Matthieu, curé de Triel, m’interpelle : « Avez-vous déjà pensé au diaconat ? » puis il ajoute : « réfléchissez-y et on s’en reparle dans quinze jours ».

Cette interpellation fut violente et pourtant pleine de joie : je prenais conscience de l’immensité de l’Amour de Dieu. Nous en parlons avec Catherine qui accueille également cet appel dans la joie. La joie sera le deuxième fil conducteur de mon parcours et après un premier oui donné à la question « veux-tu accueillir l’appel de Dieu ? », je dis oui au père Matthieu ; alors commence un long parcours de six années dans le secret du couple. Les enfants s’étonnaient, le ton un peu moqueur, de nos longues lectures de la Bible !

Parallèlement au parcours organisé par le diocèse avec les autres diocèses d’Ile-de-France, fait de soirées et de week-ends de formation, nous avons eu l’opportunité de suivre avec Catherine un parcours organisé par la Communauté de l’Emmanuel sur la Doctrine Sociale de L’Eglise : le Parcours Zachée, du nom de ce notable (et notable pêcheur) que le Christ interpelle ainsi : « Zachée, descends vite : aujourd’hui il faut que j’aille demeurer dans ta maison ».

Au-delà du clin d’œil de la référence biblique avec ma situation personnelle, ce parcours va participer à ce long travail d’ajustement de mise en cohérence des dimensions professionnelles, financières, familiales et spirituelles et de notre quête spirituelle avec notre rapport au monde. Ce parcours, très éclairant, a contribué à ce nouvel élan dans notre vie de couple initié par l’interpellation diaconale. Un long chemin de travail, de formation et de discernement, tout à la fois pétri et meulé. Un parcours parsemé de doutes, de douleurs et de colères parfois, mais un parcours porteur de joie.

Comment résumeriez-vous ce parcours diaconal ?

En premier lieu, la dimension « couple », cet appel et le cheminement qui en a suivi sont venus accomplir notre vie, notre projet de couple.

En deuxième lieu, les étapes qui ont jalonné mon discernement : la première étape fut la découverte de ma vocation baptismale, de ce qui est attendu de moi comme de tout baptisé : être en capacité d’annoncer la Bonne Nouvelle et pouvoir échanger avec les personnes dans l’Eglise et en dehors de l’Eglise. Sur les cinq ans de cheminement, ce parcours m’a permis d’approfondir durant trois / quatre ans ma vocation de baptisé et c’est sur ce socle que j’ai pu entrer dans la seconde étape : accueillir enfin l’appel au diaconat et continuer la formation dans cette perspective.

Cela peut sembler long, mais ce fut un temps de joie …

Puis vient le jour tant attendu de votre ordination diaconale où vous êtes ordonné diacre et envoyé en mission par Monseigneur Luc Crepy, évêque du diocèse de Versailles : « Monsieur Philippe Cumunel est nommé accompagnateur du service caritatif du groupement paroissial Meulan-Triel et accompagnateur de l’équipe couples en vie active du groupement paroissial Meulan-Triel. En outre, il poursuit la visite de personnes isolées, malades ou âgées ».

Grande joie pour nous et belle mission pour vous, comment la recevez-vous ?

Je dois dire tout d’abord que ma mission reprend la partie confiée par le père Matthieu, à savoir visiter les personnes malades, les personnes isolées en leur portant la communion, en EHPAD ou à domicile. Une très belle expérience, je pense avoir énormément reçu de toutes ces rencontres. Je pensais que ma mission consistait à porter le Corps du Christ et je découvrais les fruits de la communion retrouvée des personnes malades avec l’Eglise, de la puissance pour une personne isolée d’être en union de prières avec ses frères et sœurs de la paroisse.

Je souhaite vraiment pouvoir emmener la communauté paroissiale sur ce chemin de l’attention à nos frères et sœurs malades, âgés ou isolés.

Les deux autres dimensions de la mission reçue vont au-delà de la communauté paroissiale. Elles visent à recentrer notre vie sur notre vocation de baptisé : rendre présent le Christ en se mettant au service de l’humanité : « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir ».

Cela pourrait passer par la mise en place d’autres équipes fraternelles, l’approfondissement de la Doctrine Sociale de l’Eglise au travers du Parcours Zachée et d’autres initiatives à construire avec la communauté paroissiale.

Tout ceci s’intègre parfaitement dans la démarche synodale à laquelle nous appelle le pape François : « Pour une Église en chemin, qui apprend de son Seigneur à vivre en communion fraternelle ».

Nous mesurons à travers cet entretien le patient et long cheminement que vous avez effectué vers le diaconat et votre message est clair, vous vous mettez au service de notre communauté et au-delà, mais vous souhaitez que votre mission nous aide à trouver notre propre vocation de service et à l’ouvrir à toute l’humanité.

Un grand merci pour votre disponibilité et votre témoignage.

 

(Propos recueillis par Yves Maretheu)

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