Il était une fois … la cathédrale de Strasbourg

« Je suis une très, très vielle dame, au cœur de l’Alsace et je vais vous conter mon histoire avec certainement bien des lacunes dont vous m’excuserez en raison de mon grand âge : j’ai en effet mille ans ! Cet anniversaire est fêté cette année, occasionnant de nombreuses manifestations.

Je m’appelle Notre-Dame comme nombre de mes sœurs-cathédrales. C’est l’évêque Wérinhar, cousin de l’empereur germanique Henri II le Pieux, époux de Cunégonde, qui entreprit en lieu et place d’une première église plusieurs fois incendiée, de me reconstruire totalement. Certes, il y eut plusieurs campagnes de travaux du XIIe au XIVe siècle, pour arriver à ce que je suis aujourd’hui, fierté des Strasbourgeois et bonheur des touristes.

Là où je me suis implantée, au cœur d’un vieux quartier cerné par l’Ill, il y a toujours eu un édifice religieux. Tout d’abord un sanctuaire dédié à Mars, dieu de la guerre au temps des Romains, puis à la fin du VIIe siècle, une église vouée à la Vierge par l’évêque Arbogast, enfin un édifice carolingien à trois nefs, plusieurs fois incendié. En 1015, il y a donc mille ans, Werner de Habsbourg et Henri II posent ma première pierre ; ce sera une église de style roman, dans ce beau grès rose des Vosges qui me caractérise. Mais une fois encore le feu fait son œuvre, détruisant mon côté oriental. Il faut dire je n’ai pas encore de voûte en pierre, mais une simple charpente en bois. L’art gothique, nouveau venu en Alsace, va par la suite influencer mes architectes et les travaux se poursuivront jusqu’en 1439.

Je vous présente tout d’abord  mon transept nord de style roman, mais en 1220 arrive un architecte français qui s’intéresse à ma nef la rehausse et y construit des voutes d’ogive. En allant d’est en ouest, nous arrivons au grand massif occidental, autrement dit la façade qui, commandé par l’évêque Conrad de Lichtenberg, ne sera achevé qu’en 1439. A partir du XVIe siècle, catholiques et protestants s’affrontent ; les thèses de Luther sont affichées sur mes portes et ma ville adopte la Réforme. En 1521, je vais être vouée au culte protestant avec, vous vous en doutez, des destructions de mobiliers : autels, statues etc. Heureusement en 1659, Strasbourg s’offre à Louis XV et je suis rendue au culte catholique. En reconnaissance, le Bien-aimé a sa statue équestre sur ma façade.

Mais la Révolution va une fois encore me vouer aux fanatiques. Deux cent trente-cinq de mes statues sont détruites ; une centaine d’autres ont été sauvées grâce à Jean Herman, qui les a enterrées dans le jardin botanique dont il était directeur. Je suis alors vouée au culte de l’Etre suprême et de la Raison. Un certain Antoine Téterel veut même abattre ma flèche qui culmine à 142 m. prétextant le devoir d’égalité ! Fort heureusement, un ferronnier plein de bon sens va la sauver en la coiffant d’un énorme bonnet phrygien rouge ! Et je suis rendue au culte grâce au Concordat signé par Napoléon et le pape Pie VII en 1801. Commencent, dès 1813, de sérieuses restaurations dont j’ai fort besoin.

Les conflits des XIXe et XXe siècles ne m’épargneront pas. Le bombardement de 1870 fait beaucoup de dégâts à ma toiture. Que dire d’Hitler qui interdit le culte catholique projetant de me transformer en « monument national », en annexant ma chère ville. Par bonheur, le 23 novembre 1944, elle est libérée et fidèle au Serment de Couffra, le général Leclerc de Hautclocque plante le drapeau tricolore au sommet de ma flèche ; les cloches peuvent s’en donner à cœur-joie, la France est enfin totalement libre.

Avant de nous quitter, je vous invite à la découverte de quelques-uns de mes chefs-d’œuvre préférés : sur mon flanc droit, le portail de l’Horloge avec ses deux portes romanes, au centre le Jugement de Salomon et les statues célèbres de l’Eglise et de la Synagogue aux yeux bandés, symbole de l’égarement ! Sur mon flanc gauche, c’est le portail Saint Laurent XVe siècle orné de la Vierge et des Mages et l’admirable « mort de la Vierge ». A l’intérieur vous admirerez la chaire du Gothique flamboyant comme les fonts-baptismaux, l’orgue accroché en nid d’hirondelle au triforium avec son buffet des XIVe-XVe siècles. Attardez-vous à l’admiration du pilier des anges ou Jugement dernier : les personnages semblent tourner autour de la colonne centrale. Vous connaissez sans doute, au moins de réputation, ma célèbre horloge astronomique, conçue par des mathématiciens et réalisée par des horlogers suisses entre 1550 et 1570 ; elle s’est arrêtée en 1780 ; le mécanisme a été ausculté pendant trente ans et reconstitué par Schwilgué, un Strasbourgeois au XIXe siècle ! Les jours de la semaine sont représentés par le char des divinités et à 12 h 30, défilent les apôtres qui saluent le Christ qui les bénit tandis que résonnent trois cocoricos rappelant le reniement de saint Pierre.

Vous voyez, je mérite un détour, voire même une longue visite. Alors, amis lecteurs je vous attends !

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