Le Mans et la/les petite(s) histoire(s)

Que d’histoires, anecdotes, drames sur ce circuit lors des quatre vingt-neuf éditions précédant ce centenaire (il n’y eut pas de courses entre 1940 et 1948 et un mouvement de grève en 1936). Un Docu-BD « Histoires incroyables » aux éditions « petit à petit » m’a permis de vous en présenter ci-dessous.

Les lignes droites

Vindunum aux temps des Gallo-Romains (Le Mans aujourd’hui) est relié à Caesarodunum (Tours) par une voie qui traverse en droite ligne la forêt et à sa sortie, un grand champ plat. Cette route droite, Les Hunaudières, 5 km, va devenir historique d’abord en 1908 par l’action des frères Wright (Orville et Wilbur) qui y effectuent un vol public le 8 août sur le terrain de l’actuel hippodrome, puis par les records de vitesse établis lors des 24 Heures du Mans sur la fameuse ligne droite des Hunaudières.

En 1923, un revêtement spécial la recouvre ; il incorpore une émulsion goudron-bitume à des éclats calcaires recouverte de gravillons goudronnés : c’est le fameux macadam de l’ingénieur écossais John Loudon McAdam. L’ensemble du circuit reçoit ce revêtement en 1926. Elle fut décrétée « laboratoire national » dès 1932 par les Ponts et Chaussées et a permis le test de la première ligne jaune (devenue blanche), axe médian de nos routes actuelles.

En juin 1988, Roger Dorchy au volant d’une Welter-Meunier avec un moteur Peugeot est chronométré sur cette portion à 416 km/h. La petite histoire ne retiendra que 405 km/h pour faire correspondre au lancement par Peugeot de sa 405 ! En 1990, deux chicanes seront installées au milieu des Hunaudières initialement baptisées respectivement « Chicane Nissan » et chicane « Carte S » pour réduire les pointes de vitesse des voitures.

Les départs

Le départ de l’épreuve est donné sur la ligne droite des stands rendue tristement célèbre par le terrible accident de Pierre Levegh le 11 juin 1955 (82 morts parmi les spectateurs).

Départ arrêté en ligne (1923 et 1924). Départ arrêté en épi (de 1925 à 1969).

En 1969, le départ fut donné comme d’habitude, les coureurs se précipitant vers leur voiture, sauf Jacky Ickx qui traversa la piste en marchant, prit le temps de boucler sa ceinture de sécurité et partit dernier. Il tenait à protester contre un départ qu’il jugeait dangereux, les coureurs qui voulaient partir les premiers n’ayant pas le temps de boucler leur ceinture. Il gagnera cette course avec 120 m d’avance sur le suivant !

Départ arrêté en épi avec pilote à bord (1970). Départ lancé derrière une IndyCar depuis 1971.

Innovations technologiques… et artistiques.

L’épreuve des 24 Heures du Mans a toujours été un « laboratoire technologique ». Des moteurs aux phares en passant par les freins ou les carrosseries, les constructeurs y ont souvent chaque année étrenné un nouveau concept…

1926, la marque Lorraine-Dietrich triomphe avec trois voitures qui monopolisent le podium dont la n°6 première après avoir parcouru 2 553,510 km à une moyenne de 106,375 km/h ! Tous les records sont battus ! La légende voudrait que cela soit dû au « Roule Crottes » ! Ce ruisseau situé au « S » de Maison Blanche provoquerait des nappes de brouillard au petit matin et induirait un manque de visibilité, ce qui ralentit les pilotes. C’est certainement à ce phénomène que l’on doit l’apparition du premier antibrouillard baptisé Marchal « Cyclope », car unique et monté en position centrale.

1953, Jaguar est sur le podium avec les 1ère, 2ème et 4ème places. La marque inaugure cette année-là une innovation : le frein à disques. Grâce à un refroidissement plus rapide, il permet d’éviter la perte d’efficacité des freins surchauffés. Le freinage plus puissant et plus stable dans le temps qu’avec les freins à tambour permit de passer pour la première fois le cap des 4 000 kilomètres en vingt-quatre heures (4 088 exactement).

1976, sera l’année de la première victoire d’une voiture équipée d’un turbocompresseur, une Porsche 936. Développé d’abord pour des moteurs d’avions pendant la première guerre mondiale, on le doit à un ingénieur français professeur à l’école des Mines de Saint-Etienne, Auguste Rondeau ; il permettra à la marque Porsche d’engranger les victoires : dix-neuf, jusqu’à rafler en 1983 les huit premières places !

Le dossier de presse publié pour le centenaire est encore plus prolifique à ce sujet : 1927 : traction avant avec la Tracta (Citroën en fera la Traction) ; 1949 : premier moteur arrière avec une 4 CV ; 1951 : le pneu radial et la clé à gauche chez Porsche ;1962 : les phares à iode ;1998 : le moteur hybride ; 2006 : le diesel en course ; 2011 : phares à LED puis laser en 2014 ; 2022 : carburant 100% renouvelable.

1975, l’artiste américain Alexander Calder est le premier à peindre une Art Car. Ce fut ensuite Franck Stella qui recouvrit une voiture d’un papier millimétré. En 1977, Roy Lichtenstein peignit un lever et un coucher de soleil sur les portières d’une BMW. Il y eut aussi les petites fleurs lilas d’Andy Warhol que BMW n’accepta pas et finalement des jets de couleurs que l’artiste dut faire sur place. Parlons aussi des peintures pailletées et fluorescentes de Ramzi Adek en 2017 qui brillèrent dans la nuit et de l’Art Car réalisée par Fernando Costa pour le 90e anniversaire, recouverte de 250 kg de plaques de panneaux de signalisation ! La voiture ne prit bien sûr pas le départ !

De nombreux artistes ont représenté des bolides sur les circuits, des pilotes applaudis par les foules de spectateurs. Géo Ham est l’un de ceux-là, reconnu pour son talent quant à la représentation de la vitesse et des courbes de voitures. Il signa plusieurs affiches des 24 Heures, mais aussi des publicités pour l’aviation ; grand ami de Mermoz et Saint-Exupéry, il fut nommé « Peintre officiel de l’air » en 1931.

On pourrait aussi citer Michel Z. Lecomte, François Bruère, Yahn Janou, Sandrine Blondel, Patrice Larue sans oublier Jean Graton, le père du célèbre personnage de pilote automobile Michel Vaillant dont le premier album de la série parut en 1959.

Les 24 Heures, les films, les acteurs et les femmes pilotes.

Au box-office, on peut trouver : en 1971 « Le Mans » avec Steve McQueen comme acteur principal et qui n’a jamais participé comme pilote (il fut doublé par le pilote suisse Joseph Siffert), « Michel Vaillant » en 2003 au volant de sa Vaillante bleue n°10 ; « The Man & Le Mans » en 2015 qui est plutôt un documentaire sur la course, avec à nouveau Steve McQueen et aussi « Le Mans 66 » relatant le duel de cette année-là entre Ferrari et Ford.

Quelques acteurs ont aussi pris le volant lors des 24 Heures : Paul Newman, Patrick Dempsey, Jean-Louis Trintignant, Paul Belmondo et d’autres sportifs ou artistes comme Fabien Bartez, Luc Alphan, David Hallyday.

1930, c’est la première année où l’on trouve des femmes au volant sur le circuit des 24 Heures, Marguerite Mareuse et Odette Siko terminent à la septième place sur une Bugatti Type 40. Odette Siko terminera 4ème en 1932 sur une Alfa Roméo avec Louis Charavel.

Quelques chiffres : dix femmes au départ en 1935, huit en 1975, sept en 1937, six au départ et six à l’arrivée en 1974 et 1976, et quelques noms : Anny-Charlotte Verney, Vanina Ickx, Marie-Claude Beaumont, Kay Petre, Natacha Gachnang, Sophia Flörsch, Michèle Mouton. … Et les Grid Girls ? Une autre fois peut-être !

On aurait aussi pu parler des pilotes mythiques, légendaires tels Jimmy Murphy, Graham Hill, Louis Rosier, Jean Rondeau, Henri Pescarolo et les « Messieurs Le Mans » Jacky Ickx ou Tom Kristensen.

Alors pour finir, la petite histoire :

En 1950, date de lancement du championnat du monde de Formule 1, le Grand Prix de France est organisé à Reims sur le circuit de Reims-Gueux. Cette année-là, le vainqueur de la course, Juan Manuel Fangio, se voit remettre un jéroboam de la part de Paul Chandon-Moët, producteur réputé de la région et depuis, la coutume a perduré. (A Indianapolis le vainqueur reçoit … une bouteille de lait).

Mais … en 1966 lorsque Jo Siffert, vainqueur suisse des 24 Heures du Mans, reçoit sur le podium la traditionnelle bouteille de champagne, le bouchon de celle-ci saute accidentellement, la bouteille étant trop longtemps restée en plein soleil et offre ainsi une douche aux personnes sur le podium. L’année suivante, Dan Gurney, le pilote américain vainqueur et connu comme amuseur, se souvient de l’anecdote, agite la bouteille sur le podium et arrose le public, cette fois volontairement. Une nouvelle mode venait d’être lancée.

Les vainqueurs n’oublieront pas non plus de mouler leurs mains dans le plâtre afin qu’une plaque de bronze les immortalise sur les trottoirs du quartier Saint-Nicolas au Mans.

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