Mais d’où nous vient l’alphabet ?

Certes, le nom nous vient des Grecs qui l’ont ainsi baptisé en réunissant les deux premières lettres alpha et beta de leur alphabet, mais même s’ils ont inventé ce nom, ce ne sont pas eux mais les Phéniciens qui en sont les créateurs. Ce tout petit peuple, qui tînt une si petite place sur la carte, a mis à la portée du monde entier le plus beau des outils de communication et de transmission. La Phénicie correspondait à ce que l’on appelait le pays de Canaan.

Dans le récit biblique, Canaan désigne la terre promise par Dieu à Moïse, pour le peuple hébreux. On désigne Phéniciens les habitants des cités du Levant, territoire correspondant à l’actuel Liban. Ces cités, qui étaient avant tout des ports, dominaient quelques bourgades et disposaient de territoires assez exigus, coincés entre la mer et la chaîne de montagnes. Les plus importantes étaient Byblos, Sidon, Tyr et Arwad et on ne sait pas si elles faisaient partie d’une communauté ou si elles étaient en réalité autonomes, ce qui est plus probable.

Les historiens ont repris l’adjectif « phénicien » pour désigner la civilisation qui s’est épanouie dans cette région entre 1 200 et 300 av. J.-C. A partir du VIIIe siècle av. J.-C., les cités phéniciennes perdent leur autonomie, dominées par les Assyriens, les Babyloniens, les Perses, les Grecs et enfin les Romains. Elles préserveront néanmoins leur importance commerciale. Les Phéniciens étaient réputés pour leur richesse. Leur sens du commerce et de la navigation était déjà proverbial près d’un millénaire avant notre ère. Avant d’être des navigateurs et des commerçants, les Phéniciens furent des paysans efficaces et d’habiles artisans. Leurs petites plaines étaient très riches, grâce à l’irrigation et à la maîtrise des fleuves. L’exploitation des forêts fût une de leur principale ressource, et l’exportation du bois de cèdre dura fort longtemps. Hiram, roi de Tyr, fournit à Salomon le bois pour le temple de Jérusalem. Les artisans travaillaient les étoffes brodées et étaient renommés pour la teinture pourpre tirée du murex, coquillage très répandu sur la côte. Ils étaient aussi connus pour le travail de la céramique, des métaux, notamment du bronze. Artistes de l’orfèvrerie, de la verrerie, ils étaient célèbres bien au-delà de leur terre. Si les Phéniciens n’ont pas inventé le principe de l’alphabet, on peut dire cependant que l’alphabet phénicien, inventé il y a 3 000 ans, est l’ancêtre de presque tous les systèmes alphabétiques du monde.

Vers l’an 1 300 avant JC, les Phéniciens se mettent en tête de simplifier les deux écritures dont ils disposent : l’écriture cunéiforme en usage en Mésopotamie et les hiéroglyphes en usage sur les bords du Nil. Ces écritures, dérivées d’idéogrammes, où un dessin correspond à un mot, sont essentiellement syllabiques : à chaque syllabe correspond plus ou moins un signe, ce qui fait un total de quelques milliers de signes. Ce nombre rendait extrêmement difficile la maîtrise de ces écritures qui restaient donc réservées à une élite, tels les scribes. Par approches successives, les Phéniciens ramènent les caractères aux sons et non plus aux syllabes. Au final, ils arrivent à transcrire tous les mots de leur langue avec vingt-deux caractères seulement correspondant à autant de consonnes. L’alphabet est né. Les Grecs l’emprunteront aux Phéniciens et y ajouteront les voyelles.

Système phonétique, simple et démocratique, il ne note que les consonnes ; il est fondé sur le principe de l’acrophonie (représentation simplifiée d’un objet dont on ne retient que le premier son). Ainsi, pour noter « b », on utilise le signe symbolisant la maison, qui se dit beit, et l’on décide par convention que, toutes les fois que l’on rencontrera ce signe, il ne s’agira pas de maison, mais seulement du premier son de ce mot. Le principe de l’alphabet est désormais acquis avec sa graphie linéaire et ses signes schématiques. Les Mésopotamiens, comme les Égyptiens, utilisaient eux aussi des signes phonétiques, mais en appoint de leur système idéographique, ils ajoutaient encore d’autres signes complémentaires pour préciser la signification.

Dans l’histoire de l’écriture, l’alphabet représente une véritable révolution, car c’est un système totalement et uniquement phonétique (un signe = un son). L’écriture phénicienne a donné naissance non seulement à l’alphabet grec, qui est lui-même à l’origine de l’alphabet cyrillique utilisé en Europe orientale et dans toute l’Asie russe et, par l’intermédiaire des Etrusques, de l’alphabet latin, porté par les Européens de l’Ouest dans le monde entier, mais aussi à l’alphabet araméen, qui est lui-même la source de l’alphabet hébreu, de l’alphabet arabe et des écritures de l’Inde.

Terminons par un clin d’œil : en Phénicien, Joseph s’écrirait  et s’épellerait : « bras, dent, bouche, mur », les voyelles ne sont pas prises en compte !

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