Vermeer et les maîtres de la peinture du genre

Cette exposition est l’évènement culturel exceptionnel de l’année ; elle s’est ouverte, au Louvre, le 28 février et fermera le 22 mai. Victime du grand succès que remportent toujours les « peintres intimistes néerlandais », les visiteurs doivent s’armer de patience pour admirer les chefs-d’œuvre tant attendus, bonheur qui n’est pas vécu dans « l’intimité », pour le moins qu’on puisse dire !
Nous sommes au XVIIème siècle, âge d’or de la peinture néerlandaise. Libérée de la tutelle espagnole et du strict catholicisme des Habsbourg, la Hollande accueille la doctrine luthérienne, née en 1517, condamnée par la diète de Worms en 1521. Finalement, c’est le calvinisme qui prend le dessus devenant religion officielle, alors que la Flandre reste fidèle au catholicisme.
Les Pays-Bas sont très prospères grâce à tout un réseau de comptoirs et de colonies sur tous les continents.
C’est dans un contexte d’opulence d’une bourgeoisie enrichie par un commerce mais aussi des contraintes de la Réforme protestante que s’expriment les artistes. Plus question d’enrichir les églises de toute représentation tirée de la Bible, de la vie des saints et même de l’eucharistie ; la plus grande sobriété s’impose. C’est alors que fleurit le portrait (Frans Hals, Rembrandt…), le paysage (Ruysdael…) et surtout la peinture de scènes d’intérieurs, dite de genre ou intimiste, thème de notre exposition.
Ils furent longtemps délaissés ceux qu’on appelait les « petits Hollandais » que met à l’honneur le musée du Louvre. S’il y avait des liens certains entre les artistes chez lesquels on trouve des thèmes semblables, parfois une même mise en page, aucun écrit n’éclaire leurs relations. Qui sont-ils ces peintres de genre présentés avec Vermeer ? Ce sont : Gérard Dou, Gérard Ter Borch, Jean Steen, Pieter de Hooch et Gabriel Metsu qui nous font entrer dans l’intimité de leurs modèles. Incontestablement, ce sont des artistes de talent, de fins coloristes toujours soucieux de la composition du tableau et de la lumière dans laquelle il baigne, dont la source est souvent une fenêtre. Malgré leur talent, ils sombrèrent presque dans l’oubli jusqu’en 1866 où un jeune critique, Thoré-Burger, dans la Gazette des Beaux-Arts, parle de Vermeer qu’il a découvert lors d’un voyage en Hollande. C’est bien lui le maître incontesté des intimistes sans pourtant être considéré comme chef de file.
Johannes VERMEER de DELFT
Né à Delft en 1632 dans une famille protestante, son père, Reynier Janz, est tisserand – aubergiste et vend aussi des tableaux, mais, ruiné, il laissera à son fils plus de dettes que d’œuvres d’art. Le jeune Johannes prend le nom de Van der Mer. En 1653, sans qu’on sache où il a fait son apprentissage, il est membre de la guilde de saint Luc dont il sera par deux fois le chef. Il épouse Catharina Boines qui est catholique et se convertit, ce qui est courageux car, dans la Hollande calviniste, cette religion se vit dans la clandestinité et interdit tout poste dans l’administration. Les Vermeer auront onze enfants, lourde charge pour un peintre qui ne peut compter sur des commandes officielles mais seulement sur des mécènes privés… et argentés !
Aujourd’hui, sa production connue se limite à moins de quarante tableaux, tous de petite taille, dont deux seulement sont datés. Sa perfection picturale implique un travail d’une extrême lenteur, on parle même d’une œuvre par an. Il était aussi marchand de tableaux et dans sa production, on en remarque accrochés aux murs d’intérieurs cossus. Bien des accessoires, voire même des modèles sont empruntés à son propre entourage ; on pense que la jeune fille au turban bleu serait une de ses filles et sur deux de ses tableaux, « La liseuse » et « La femme pesant des perles », une future la maternité est bel et bien visible, s’agit-il de son épouse ? Les lourdes tentures et tapis de table rappellent le métier de tisserand de son père.
Les tableaux de Vermeer représentent le plus souvent une jeune femme, généralement de profil, occupée à une tâche délicate : perles, lettre, balance, musique. Parfois, une servante complète la scène ou occupe toute l’œuvre comme « La laitière » reprise par la publicité. Il fut aussi paysagiste et pas des moindres : « Vue de Delft » très précise et « La ruelle » qui nous replonge dans l’intimité des femmes dans leur travail quotidien. Chantre de la femme, Vermeer a pourtant évoqué les hommes de science avec « L’astronome » et « Le géographe ». Il nous donne sans doute son portait et celui de sa femme, dans une œuvre plus inattendue : « L’entremetteuse ». A sa conversion au catholicisme, nous devons « Jésus chez Marthe et Marie » et « Sainte Praxède» et une de ses dernières œuvres « L’allégorie de la foi », commande d’un mécène. Sa palette fut dans l’ensemble fidèle au jaune et bleu. Vermeer, ce génie qui attire les foules et les collectionneurs, connut de graves difficultés financières et décèdera en 1675, tout juste âgé de 43 ans dans l’indigence la plus complète. Sa veuve ne put même pas récupérer un tableau mis en gage chez leur boulanger !

Ghislaine Denisot

One thought on “Vermeer et les maîtres de la peinture du genre

  • ven 4 décembre 2020 à 20 h 54 min
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    bel article sur Vermeer

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