Marie-Christine Dubernard, bénévole dans plusieurs associations naturalistes

Pour ce numéro des Echos qui a pour thème « les oiseaux », nous avons rencontré Marie-Christine Dubernard, très impliquée dans les associations qui les étudient et les protègent. Je vous propose de l’écouter nous parler de sa passion pour ce monde merveilleux qu’est celui des oiseaux.

 

Bonjour Madame Dubernard, avant tout merci de nous recevoir et de nous accorder un peu de votre temps. Dites-nous, comment vous est venu ce grand intérêt pour les oiseaux ?

Depuis que je suis petite, j’ai toujours ressenti un grand intérêt pour la nature et en particulier pour les animaux. Je me souviens encore de mes collections de fiches les concernant ; je les classais méticuleusement et les consultais sans me lasser. J’aimais aussi me promener dans la nature. J’habitais alors Ecquevilly, un village à proximité des champs ; je pouvais y admirer les fleurs et les arbres et entendre le joli chant des volatiles qui y logeaient. Par la suite, j’ai fait des études médico-sociales qui m’ont, en partie, permis d’assouvir mes passions pour les sciences et en particulier les sciences naturelles. Je suis d’une nature curieuse, j’aime bien comprendre « le pourquoi » des choses.

Mais comment et pourquoi avez-vous intégré des associations naturalistes ?

C’est arrivé assez naturellement. En feuilletant une revue, ça devait être en 2012 je crois, j’ai découvert que l’on cherchait des bénévoles pour compter les oiseaux dans les jardins… Ce premier comptage a été pour moi comme une révélation et je me suis laissée prendre au jeu. Je crois bien qu’à cette époque je ne devais connaître que deux ou trois noms d’oiseaux ; j’ai donc fait l’acquisition d’un bon appareil photo, me suis documentée et tout doucement est arrivée cette vraie passion pour eux. Je me suis d’abord intéressée aux espèces de mon jardin, puis à celles des bords des chemins de notre région, celles dans lesquelles j’allais en vacances ; enfin bref, j’avais attrapé le virus, la passion était née.

Et ça ne s’est pas arrêté là, car après les oiseaux, sont arrivés les intérêts pour les insectes, des animaux en relation directe avec la gente ailée, celui pour les papillons, les bourdons, … D’ailleurs je fais maintenant de la macro photo, en particulier des insectes qui pollinisent les fleurs.

D’accord, vous vous passionnez un peu pour tout ce qui vole, mais comment êtes-vous entrée en contact avec une association ?

Lorsque j’ai commencé vraiment à m’intéresser à tout ce petit monde, j’ai ressenti le besoin d’avoir un lien avec d’autres acteurs, de partager mes observations et d’en faire profiter ceux qui le protègent. J’ai donc assez rapidement adhéré à la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), une association bien connue qui propose des formations et qui, dans le but de faire des statistiques, met en place des protocoles très rigoureux qui permettent de suivre l’évolution de ces volatiles sur plusieurs années.

Je fais maintenant partie d’un groupe ; il est difficile de parler d’association, qui s’appelle Vexin Basse Seine (VBS) ; nous sommes en charge de suivre les espèces les plus menacées dans la vallée de la Seine et dans le Vexin. Nous œuvrons en partenariat avec le Parc naturel régional et sommes en bonne harmonie avec les agriculteurs de la région ; avec leur accord, nous protégeons les nichées, en particulier celles des busards dans les grands champs de céréales. D’autre part, à la demande d’organismes locaux comme les maisons de la nature, notre groupe, qui comprend une cinquantaine de personnes, anime des ateliers, la nuit de la chouette par exemple.

Les associations naturalistes participent aussi à des protocoles proposés par Vigie Nature, un organisme lui-même dépendant du Muséum national d’histoire naturelle et de l’Office français de la biodiversité, comme vous voyez, c’est du sérieux…

Vous évoquez des études de suivi des populations d’oiseaux organisées par la LPO, pouvez-vous nous en donner quelques exemples ?

Oui, bien sûr. Il y a entre autres un protocole appelé STOC (Suivi Temporel des Oiseaux Communs). Il s’agit d’une étude de comptage par espèces qui est réalisée chaque année à la même époque par la même personne et au même endroit. Ce dénombrement est fait deux fois au printemps, pendant cinq minutes et sur dix points d’écoute (choisis sur un carré de 2 x 2 km). Ce recensement prend peu de temps et offre l’occasion d’une belle promenade au milieu des champs ou des bois, car le lieu est tiré au sort.

Ce genre d’étude permet de faire des statistiques très fiables sur le long terme et donne une bonne idée de l’évolution des volatiles dans un secteur donné. Ainsi, mais ce n’est malheureusement un secret pour personne, on a pu constater une baisse très sensible du nombre d’oiseaux dans notre région, surtout ceux des champs.

Il existe également un protocole, lui aussi mis en place par la LPO qui permet un suivi hivernal des oiseaux (SHOC). Il est fait dans les mêmes conditions que celles déjà décrites pour le printemps. Un autre, appelé Wetland réalisé au niveau international, permet un comptage des oiseaux d’eau en janvier. Dans notre secteur, nous le faisons dans les plans d’eau situés entre Verneuil et Triel, à Lavacourt, Cergy, mais aussi en bord de Seine pour recenser le nombre de cygnes tuberculés, très nombreux dans notre secteur. Peut-être que vos lecteurs ne le savent pas, mais nous avons aux Mureaux, un des plus gros contingents de ces oiseaux en Île-de-France.

Et que faites-vous de tous ces chiffres ?

Ils sont envoyés vers un site de suivi et sont interprétés par des statisticiens professionnels. Depuis quelques temps, les scientifiques ont pris conscience de l’importance du rôle joué par les bénévoles dans ces comptages. Plus ils sont nombreux, plus ils disposent de chiffres pour leurs statistiques, ce qui les rend beaucoup plus fiables.

Vous avez parlé de formations proposées par la LPO, pouvez-vous nous en dire un peu plus à leur sujet ?

Elles sont organisées par l’agence de biodiversité d’Île-de-France, sont gratuites et ouvertes aux personnes en fonction de leur investissement sur le terrain, ce qui fait qu’il y a une liste d’attente. Il en existe de plusieurs niveaux, du débutant au perfectionnement et durent d’une à deux semaines sur des sites variés ; en ce qui me concerne, j’ai suivi ces formations en Seine et Marne. Elles sont composées à parts égales de théorie et de sorties sur le terrain. J’ai eu le bonheur d’en bénéficier et elles m’ont vraiment beaucoup apporté. Elles fournissent les éléments qui vont permettre de reconnaître un oiseau, que ce soit en vol ou perché ; mais on apprend aussi à lui donner un nom grâce à son chant. Il existe un certain nombre de critères à vérifier pour identifier un oiseau et on nous apprend qu’en cas de doute, on ne doit pas prendre en compte l’espèce observée.

Pouvez-vous donner à nos lecteurs une idée du nombre d’espèces d’oiseaux présents dans notre région ?

Si l’on se fie aux données présentées sur le site de la LPO, en vingt ans et en comptant les espèces rares ou les oiseaux de passage à Gaillon-sur-Montcient, on a enregistré cent vingt espèces différentes, c’est énorme ! On peut considérer que notre territoire est régulièrement occupé par environ quatre-vingt cinq espèces, c’est déjà beaucoup. Ce grand nombre est en partie dû à la grande diversité des milieux présents dans notre village : plaine agricole, jardins, bois, zones humides. Il faut aussi préciser que certains oiseaux ne sont présents qu’en hiver, d’autres qu’au printemps ou qu’en été, il y a aussi ceux qui ne sont que de passage, en halte migratoire…

Nous arrivons à la fin de notre entretien, comment envisagez-vous l’avenir et celui de tous ces oiseaux ?

L’avenir ? Pour moi, c’est simple, continuer plus que jamais à compter et à observer. J’essaie aussi dans la mesure de mes moyens de participer à voir ce que l’on peut faire pour « limiter les dégâts », car sans être alarmiste, on voit bien que le nombre d’oiseaux va sans cesse en diminuant. En milieu forestier, cette baisse n’est pas encore très significative ; c’est surtout en milieu agricole que ça commence à devenir inquiétant. Nous devons aussi apporter une attention toute particulière aux zones humides, car celles de notre secteur ont souvent été transformées en bases de loisirs, des lieux dans lesquels nos petits amis ailés ne se sentent guère à l’aise…

Il faut être réaliste et constater que l’on laisse de moins en moins de place à la nature, on oublie qu’elle doit être variée et pas forcément « clean ».

Un grand merci, Madame Dubernard, pour ce beau témoignage ; il nous a permis de découvrir le rôle important joué par les associations de protection de la nature, en particulier la LPO, pour conserver un maximum de cette biodiversité si importante pour le genre humain.

(propos recueillis par Jannick Denouël)

Si quelques-uns de nos lecteurs ont envie d’en savoir un peu plus, voici des liens qui pourront sans doute les satisfaire :

Vigie nature : https://www.vigienature.fr/fr/naturalistes-2933

Site de saisie des données LPO IDF : https://www.faune-iledefrance.org/

La page du groupe local sur le site LPO IDF : : https://lpo-idf.fr/

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *