FABIEN ET AURÉLIE FRÉMIN, exploitants maraîchers à la ferme de La Haye aux Mureaux

Ayant retenu comme thème, ce mois-ci, les fruits et légumes, c’est tout naturellement que nous sommes allés interviewer Fabien et Aurélie Frémin, un jeune couple d’exploitants maraîchers à la « ferme Bio » de la Haye aux Mureaux.

C’est dans le cadre de leur activité qu’ils ont accepté de nous recevoir et de nous faire découvrir divers aspects de la culture maraîchère bio.

 

Merci d’avoir accepté cet entretien. Une première question, comment êtes-vous arrivés dans cette activité ?

Fabien (F) : J’ai grandi dans l’arboriculture, mes arrières grands-parents étaient arboriculteurs à Chambourcy, mes grands-parents également, installés à Davron près de Feucherolles, à partir de 1970 et mes parents, encore en activité, poursuivent la production de fruits, principalement des pommes et des poires. Il est malheureusement à noter que c’est une activité en baisse en Ile-de-France (moins 20% ces cinq dernières années).

On peut dire que vous êtes tombé dedans tout petit. Mais il vous a fallu apprendre, car l’arboriculture et le maraîchage sont des métiers différents ?

(F) : En effet j’ai suivi la filière classique jusqu’à l’obtention d’un bac scientifique, puis j’ai obtenu un BTS d’horticulture et un diplôme d’ingénieur dans un établissement spécialisé d’horticulture, en Suisse. C’est une spécialisation, si l’on peut dire, car cela couvre un large éventail de compétences : arboriculture, maraîchage, pépinière, floriculture et même viticulture.

Et votre arrivée à la Ferme de la Haye est récente ?

(F) : En juillet 2008, après la fin de mes études, j’ai répondu à un appel à candidature de la SAFER (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) d’Ile-de-France, pour ce site. En septembre, je reçois une réponse positive quasiment au moment où le département annonce son projet de circuit de F1. Je ne signe alors qu’un bail précaire avec le département et, avec mes parents, je démarre une activité provisoire jusqu’à ce que la situation se débloque. Entre temps je rencontre Aurélie, puis en 2010, c’est la naissance de Luca. Ce ne sera qu’en 2011 que je crée une EARL dont je suis le gérant unique et je signe un bail de dix-huit ans avec la Région.

Pouvez-vous nous présenter votre exploitation ?

(F) : Sur une superficie de 10 hectares, dont 8,5 en maraichage et le reste « en rotation d’engrais vert », ce qui me permet d’assainir les terres et de leur apporter de l’azote pour les remettre en culture l’année suivante, je cultive, avec l’aide de deux collaborateurs agricoles et de un à trois saisonniers, une grande diversité de légumes :

  • sous 4 000 m² de tunnel, les tomates, poivrons, aubergines, haricots, concombres, courgettes, melons, salades et mâche en hiver,

  • en extérieur, cerises, fraises, cassis, groseilles et bien entendu les pommes de terre, carottes, poireaux, panais, choux, courges (potirons, potimarrons, butternut, etc..), radis, salades, betteraves, navets, oignons, échalotes et j’en oublie …

    Etes-vous le seul exploitant sur ce secteur ?

    (F) : Non, il y a Mr Dupuis, qui dispose de cent quinze hectares, qui produit et commercialise des carottes bio, lavées et épluchées, destinées à la restauration collective.

    En ce que vous concerne, la diversité de cultures est impressionnante, cela ne doit pas être évident à gérer, surtout en produits bio ?

    (F) : Oui en effet la culture maraîchère bio est une discipline très technique et pointue. N’ayant pas de solution de rattrapage avec des produits chimiques, il faut intervenir préventivement en temps et en heure, sous peine de perdre la récolte.

    Pouvez-vous nous donner des exemples d’interventions préventives ?

    (F) : Le désherbage thermique sur les carottes. On sème les carottes et on passe le thermique entre sept et quinze jours après les semis, juste avant que la carotte lève.

    Autre exemple, sur les poireaux, on passe une herse étrille qui secoue toutes les graines de plantes adventices (mauvaises herbes). On répète ensuite l’opération tous les dix jours.

    Faites-vous appel à l’informatique pour gérer la diversité et la technicité et vous assister dans votre travail ?

    (F) : Non, pas vraiment, car même avec une très bonne formation, pour faire de la culture maraîchère, il faut tenir compte de paramètres que l’on ne gère pas sur informatique, en particulier, la météo et l’expérience. Pour l’expérience, je note de temps en temps des éléments caractéristiques qui ont retenu mon attention et pour ce qui concerne la météo, je vais en tenir compte pour planifier le travail.

    Pourquoi avez-vous opté pour la culture maraîchère bio qui est réputée nécessiter plus de travail manuel, d’ailleurs est-ce toujours le cas ?

    (F) : Pour moi, cela a toujours été une évidence, car c’est une culture plus technique et plus valorisante qui reste toutefois tributaire du rendement. Effectivement, la culture maraîchère demande plus de main-d’œuvre et c’est pourquoi nous avons beaucoup investi dans du matériel, pour réduire le temps de travail mais également pour apporter un peu de « confort », c’est-à-dire réduire les travaux les plus pénibles. Ainsi j’ai acheté du matériel, tracteurs et outillages adaptés, et j’ai fait récemment l’acquisition d’une nouvelle planteuse. Je m’implique également dans la formation de mes collaborateurs agricoles pour qu’ils acquièrent de la technicité et prennent conscience de l’importance de l’amélioration de leur efficacité. En effet, le bio n’est viable que s’il est durable donc proposé à des prix abordables.

    A ce propos, comment commercialisez-vous vos produits ?          

    Aurélie (A) : 70% de notre production sont vendus en direct. Avec l’aide d’un collaborateur agricole, je fais le marché de Maurepas, les mercredi et samedi matin et depuis janvier de cette année, le marché de Meulan, le vendredi matin. Les 30 % restants sont vendus pour 15% à la boutique gourmande des Frères Gaillard aux Alluets-le-Roi et les derniers 15% par l’intermédiaire des fermes bio d’Ile-de-France gérées par le GAB (groupement des agriculteurs bio). Nous commercialisons également sur ces marchés d’autres produits locaux, comme les poires et pommes en provenance de l’arboriculture de mes beaux-parents à Feucherolles. Ceux-ci complètent notre production et permettent d’offrir à nos clients le plus large éventail possible de fruits et de légumes de saison.

    La gestion administrative et financière de vos activités doit prendre pas mal de temps, qui s’en occupe ?

    (A) : En plus des marchés et des tâches familiales non négligeables depuis la naissance de notre deuxième garçon, Floren, en 2013, je m’occupe de la gestion administrative de l’exploitation, c’est-à-dire toute la comptabilité que je saisis moi-même, ce qui me prend beaucoup de temps, mais aussi les contrats des saisonniers, les factures à établir, les bulletins de salaire, etc. Je n’avais aucune formation dans ce domaine, j’ai dû tout apprendre en peu de temps. Ceci laisse peu de place pour les loisirs mais nous réservons le dimanche pour être avec nos enfants.

    En ce qui vous concerne, on peut vraiment parler de complémentarité de compétences dans le couple. Pour éclairer nos lecteurs, pouvez-vous nous indiquer quels sont vos produits phares et vos principales activités au rythme des saisons ?

    (F) : Nos produits phares sont en fait les produits les plus appréciés de nos clients, les fraises de mi-mai à fin juin et les tomates de fin juin à mi-octobre. Pour ce qui concerne le rythme de nos activités, d’avril à juin c’est la plus grosse période de plantations et semis, de juillet à août c’est la période d’entretien et de récolte d’été puis de septembre à octobre, voire jusqu’à mi-novembre, la récolte des légumes de conservation. En hiver, la plus grosse activité est le brossage des pommes de terre, le lavage et l’épluchage des poireaux, le triage des différents légumes et la cuisson des betteraves. Il y a bien sûr des activités constantes toute l’année, comme la vente sur les marchés et certaines plantations et récoltes comme par exemple, les salades, que l’on plante tous les quinze jours.

    Il nous faut conclure, vous êtes jeunes, comment voyez-vous l’évolution de votre activité ?

    (F) : A court terme, je vais devoir réduire la surface d’exploitation suite à un problème périurbain. En effet je viens d’apprendre que l’extension de la station d’épuration des Mureaux me fera perdre 10 % de ma surface exploitable et ce, à partir de 2016-2017.

    Pour le moyen et long terme, mon objectif est de développer l’arboriculture. En effet en Ile-de-France, la moyenne d’âge des arboriculteurs est de 55 ans. Cela demande réflexion car cette activité est également très technique et pointue et les erreurs peuvent se payer sur plusieurs années, a contrario du maraîchage où, si l’on rencontre un problème, on retourne et on recommence une nouvelle récolte. Même si cela est très frustrant, les conséquences sont moins importantes. Toutefois, pour toutes productions de fruits et légumes, nous restons très confiants sur l’avenir car la nécessité de manger des produits frais, non traités et de proximité, se fait de plus en plus sentir.

    Un grand merci pour votre disponibilité et pour nous avoir fait mieux découvrir votre activité que l’on ne connaît, le plus souvent, qu’en tant que consommateur. Après cet entretien, nous en sommes sûrs, les fruits et légumes auront une saveur particulière car nous y apprécierons davantage le travail qu’ils représentent.

     

                                                                   (Propos recueillis par Yves Maretheu)

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