Les Rencontres méditerranéennes, préludes du voyage du pape

Après Bari en 2020 et Florence en 2022, Marseille était la troisième ville hôte des Rencontres méditerranéennes qui se sont tenues du dimanche 17 au dimanche 24 septembre. L’événement auquel a participé le samedi 23 le pape François, invité par le cardinal Aveline, a réuni de nombreux acteurs du vivre ensemble dans le bassin méditerranéen pour se retrouver, partager leurs expériences et réfléchir pour construire une même espérance.

Pour cette nouvelle édition, le cardinal Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille, a tenu à associer des jeunes qui furent accueillis et logés dans des familles marseillaises. L’édition fut structurée autour de quatre grands défis pour l’espace méditerranéen : le défi environnemental, la question migratoire, les disparités économiques et enfin les tensions géopolitiques et religieuses. Elle fut l’occasion d’un vrai travail concret en commun, pensé comme l’amorce d’un processus pouvant servir dans le cadre d’un éventuel synode sur la Méditerranée.

Marseille, « ville-laboratoire »

Soixante-dix jeunes de toutes confessions et religions venus des trente pays du pourtour de la Méditerranée ont travaillé ensemble du lundi 18 au jeudi 21 septembre. De leur côté, cent quarante évêques (latins, grec-catholiques, chaldéens, coptes, …) se sont réunis dès le 21 septembre, avant une session commune avec les jeunes le lendemain. Ces rencontres ambitionnaient de valoriser les ressources dont la région dispose pour répondre aux enjeux actuels – lieux saints et grandes figures partagées, dialogue des croyants, patrimoine culturel commun, … – et surtout de dessiner de nouveaux chemins de paix et de réconciliation dans lesquels les Églises sont invitées à occuper une place particulière, au service du bien commun.

Une riche programmation

Dès le samedi 16 septembre, ces Rencontres se sont ouvertes avec l’inauguration d’une exposition sur les sanctuaires mariaux en Méditerranée, suivie d’une procession aux flambeaux et d’une veillée mariale dans la basilique Notre-Dame-de-la-Garde. Du 17 au 20 septembre, concerts, expositions, conférences se sont tenus à Marseille. Jeudi 21 septembre, une vingtaine de lieux de Marseille et des alentours a accueilli des petites délégations d’évêques et de jeunes de la Méditerranée, depuis les quartiers Nord jusqu’à La Ciotat. Il s’agissait de montrer aux jeunes et aux évêques la réalité marseillaise.

Le temple protestant de la rue Grignan fut partenaire de l’évènement et accueillit une trentaine de participants ; après un temps de prière, des activités fortes des paroisses autour du Vieux-Port ont été mises en valeur, avec une insistance particulière sur les actions sociales et notamment le témoignage des franciscains qui œuvrent dans un quartier marqué par la pauvreté.

« Transmettre le sens du collectif »

Mais la réalité marseillaise, ce sont aussi les défis qu’affronte la deuxième ville de France : à la chapelle Saint-Joseph, dans le nord de la ville, des Marseillais ont tenu à partager leur expérience de la cité phocéenne, avec tous ses contrastes. Il y a le frère Jean-Michel, qui vit depuis quarante ans dans une cité des quartiers Nord et qui dit gravement : « La drogue gangrène nos quartiers. J’avoue que ces dernières années, moi aussi je fais profil bas, j’ai peur ».

La mission qu’il se fixe ? « Transmettre aux nouvelles générations le sens du collectif », pour qu’eux aussi tentent à leur tour de lutter contre la violence endémique de leurs lieux de vie. « Je crois que c’est en étant au cœur de la vie des gens qu’on est le plus proche du cœur de Dieu », affirme-t-il.

Cette tâche d’éducation et de solidarité, un étonnant trio s’y attelle également. Un prêtre catholique, un rabbin et un imam arrivent au pied de l’autel et s’installent, conscients de l’effet qu’ils produisent sur le public. Eux sont venus témoigner de leur travail commun dans les écoles, contre la violence interreligieuse. On les appelle dans les moments d’extrême tension. Ils sont par exemple intervenus au lendemain de l’assassinat, le 16 octobre 2020, du professeur Samuel Paty, qui enseignait dans un collège des Yvelines. Ils sont aussi sollicités régulièrement par des écoles pour incarner, devant les élèves, la possibilité de s’entendre entre juifs, chrétiens et musulmans.

L’inauguration du « village des Rencontres méditerranéennes »

Le vendredi 22 septembre, l’esplanade de la cathédrale Sainte-Marie-Majeure – dite « la Major », a accueilli « le village », grand forum de mouvements et d’associations, réunis en un même lieu et invités à valoriser leurs actions auprès du grand public : communautés méditerranéennes chrétiennes, juives, musulmanes, associations engagées dans l’écologie, associations de solidarité accompagnant les personnes migrantes et/ou en situation de grande précarité, acteurs culturels, entreprises partenaires, etc.

Ce soir-là, douze veillées thématiques ont eu lieu au Vieux-Port, ainsi qu’un grand banquet solidaire offert à six cent cinquante personnes en précarité, grâce à la collaboration de restaurants, boulangeries et de nombreux bénévoles.

Pour finir, voici deux témoignages de jeunes musulmans : Leila, Algérienne de 27 ans, disait : « Ce qui m’a poussée à venir, c’est la diversité des gens, pouvoir échanger tous ensemble et trouver des points communs pour la mise en place de la paix. Tous ensemble on peut aller très loin, la diversité n’est pas un obstacle ». Elle a demandé au pape François de réitérer ce type de rencontre. Quant à lui, Anas, Syrien de 34 ans, originaire de la ville de Homs et qui rédige un mémoire sur les liens islamo-chrétiens, dit avoir « vécu la diversité, le dialogue interreligieux, … L’autre n’est pas un fardeau, a-t-il déclaré, c’est un cadeau » !

En conclusion : le pape François conclut ainsi son voyage apostolique : « Chers frères et sœurs, je suis heureux d’être ici à Marseille ! Un jour, Monsieur le Président m’a invité à visiter la France et m’a dit : mais il est important que vous veniez à Marseille ! Et je l’ai fait. Je vous remercie de votre écoute patiente et de votre engagement. Allez de l’avant, courageux ! Soyez une mer de bien, pour faire face aux pauvretés d’aujourd’hui avec une synergie solidaire ; soyez un port accueillant, pour embrasser ceux qui cherchent un avenir meilleur ; soyez un phare de paix, pour anéantir, à travers la culture de la rencontre, les abîmes ténébreux de la violence et de la guerre. Merci beaucoup ! »

Eric Le Scanff

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *