Paul Gauguin, l’alchimiste, précurseur de l’art moderne

S’il est un peintre original, c’est bien Paul Gauguin, tant par la diversité de son talent que par celle de son style : il est peintre, dessinateur, graveur, sculpteur, céramiste et passe de l’Impressionnisme à l’Expressionisme et au Symbolisme. Toujours en quête de techniques nouvelles, « Gauguin possédait une capacité exceptionnelle à transfigurer les matériaux », tel l’alchimiste à la recherche de la pierre philosophale ; c’est sans doute la raison du choix du sous-titre de l’exposition « l’Alchimiste » que le Grand Palais a consacrée à ce précurseur de l’art moderne.

Sa vie : Paul Gauguin, fils d’Eugène Henri Paul, rédacteur au « National », est né le 7 juin 1848 à Paris mais passe les premières années de sa vie au Pérou où son père s’expatrie craignant des représailles suite aux coups d’état manqués de Louis Napoléon Bonaparte. A 17 ans, il s’engage dans la marine marchande et voyage dans le monde entier acquérant une grande force physique et se familiarisant avec la gravure au couteau sur os ou bois, passe-temps favori des marins. Son temps achevé, il rentre en France et travaille chez un agent de change mais est plus intéressé par la peinture. Il se lie d’amitié avec Pissarro et Degas ; par deux fois il exposera hors catalogue avec les Impressionnistes (1880, 1886). Ses thèmes de prédilection sont alors les paysages et la vie paysanne à la manière des Impressionnistes..

En 1873, il a épousé une Danoise : Mette Sophie Gad qui lui donnera cinq enfants : Emile, Aline, Clovis, Jean et Pola. Il abandonne en 1883 son activité professionnelle aux dépens de sa stabilité financière et familiale, si bien que Mette s’installera au Danemark avec ses enfants alors que, pour chercher de nouvelles sources d’inspiration, il gagne Pont-Aven rejoignant d’autres artistes. Et là, abandonnant l’Impressionnisme, il peint de grands aplats de couleurs cernant le plus souvent ses motifs d’un trait noir, à la manière des estampes japonaises comme « le Christ jaune ». Il ne tient pas en place et cherche sans cesse à se renouveler ; ainsi, lors d’un voyage à la Martinique, il aborde le primitivisme et l’exotisme, exécute une série de vases inspirés de motifs précolombiens.

En 1888, il rejoint son ami Van Gogh à Arles mais c’est un douloureux échec ; il doit s’enfuir et son hôte, en pleine crise de démence, se coupe l’oreille tandis qu’il regagne Tahiti où il restera jusqu’à sa mort, hors de brefs séjours en France en 1893 et en 1895 où il va à Copenhague voir ses enfants pour la dernière fois.

Sa première manière tahitienne, peintures et surtout sculptures, est voluptueuse et très colorée comme « Soyez mystérieuses » sculptée dans du bois de tilleul (1890 musée d’Orsay) et sa pastorale tahitienne «Faa Iheihe » (toile, Londres 1898).

Après la désastreuse liquidation de son atelier en salle des ventes, il repart à Tahiti, ruiné, malade et dépressif. Les retrouvailles avec son tout jeune modèle devenue sa compagne, Tahura, qu’il surnomme Noa Noha, le déçoivent bien qu’il lui ait consacré plus de dix tableaux.

Il prend alors une nouvelle muse Pauhura qui lui donne un fils : Emile. Une fois encore, il veut changer de décor ; ce seront les Iles Marquises où dans l’ile d’Hiva oa, plus exactement à Atuona où il construit une maison sur pilotis, en bambous et palmes qu’il appelle « la maison du jouir, paradis des amours faciles » où défilent de nombreux modèles pour le jour et pour la nuit ! Cette dernière période est marquée par des peintures monumentales où il exprime ses préoccupations philosophiques et religieuses : « Que sommes-nous¸ où allons-nous ? »

Paul Gauguin, un artiste frustré, écartelé entre deux mondes et artistiquement isolé, en mal de reconnaissance, s’est éteint le 8 mai 1903 dans sa maison Atuona. Il n’avait pas trouvé en Polynésie la douce tranquillité à laquelle il aspirait mais pour laquelle il semblait peu fait, son abondante correspondance avec sa femme et ses amis en témoigne.

 

 

  1. Exposition « Gauguin l’alchimiste », Grand Palais jusqu’au 22 janvier 2018

Visites guidées (01 44 13 17 17) – catalogue 45 €