Poète et modeste, Georges Brassens

Georges Brassens, qui aurait eu 100 ans en octobre dernier, a enchanté plusieurs générations d’amoureux de la langue française ; il reste pour beaucoup, et je suis un de ceux-là, un des plus grands poètes contemporains en même temps qu’un exemple de simplicité et de modestie.

Il est né dans le sud de la France, à Sète, ville dans laquelle était né avant lui Paul Valéry et grandit dans une famille unie mais partagée quant à son éducation : un père foncièrement anticlérical et une mère très pieuse ; enfant, il ne montre que peu d’intérêt pour les études auxquelles il préfère très nettement la poésie. C’est un de ses professeurs de français, Alphonse Bonnafé, qui va lui donner le goût pour cette discipline et très tôt, il va écrire ses propres poésies en même temps que des textes de chansons. Influencé par sa mère d’origine italienne et passionnée de musique et de chant, il va apprendre à jouer de la mandoline, puis de la guitare, mais c’est en tant que batteur qu’il fera ses premières armes dans un orchestre de… jazz.

1940, il « monte » à Paris…

A la suite d’une histoire de vol à laquelle il était indirectement mêlé, il doit quitter l’école et décide de « monter » à Paris chez sa tante qui possède un piano, un instrument qui va beaucoup l’intéresser ; là, parallèlement à l’écriture, il publie deux recueils de poèmes qui connaissent un succès très modeste, il travaille dans les usines Renault pour gagner sa vie. Arrive la guerre et Georges Brassens doit se soumettre à ce que l’on appelle le Service de Travail Obligatoire, le STO ; il part donc pour l’Allemagne dans une usine de construction d’avions. Au cours d’une permission, il décide de ne pas rejoindre son lieu de travail et entre alors dans la clandestinité ; ce sont Jeanne et Marcel Planche, un couple auquel il dédiera par la suite plusieurs chansons (dont « La cane de Jeanne » et « la chanson pour l’Auvergnat », …) qui vont le cacher. Il va rester chez eux, impasse Florimont dans le 14ème arrondissement jusqu’en 1966 !

Il ne cesse alors de composer mais n’a que de rares occasions de mettre en valeur ses qualités artistiques. Ce n’est qu’en 1952, que Patachou, chanteuse à succès à cette époque, découvre qu’il a du talent ; elle le décide à vaincre sa timidité et à monter sur scène dans son cabaret à Montmartre. Accompagné par Pierre Nicolas, son contrebassiste qui va le suivre pendant toute sa carrière (Brassens est très fidèle en amitié), il fait ainsi ses premiers pas dans le monde du spectacle. Il rencontre ensuite Jacques Canetti qui va lui faire enregistrer ses premiers disques et donner ainsi un réel essor à sa carrière. Des chansons inoubliables comme « le gorille » (qui sera d’ailleurs censurée), « la mauvaise réputation », figurent sur ce premier 33 tours qui lui permettra aussi de donner son premier grand concert à Bobino, une salle à laquelle il restera aussi fidèle, même s’il a eu plusieurs fois l’occasion de se produire à l’Olympia.

« Les copains d’abord », un monument !

Les succès s’enchaînent alors ; en 1954, il reçoit le prestigieux prix de l’académie Charles Cros pour « le parapluie », mais c’est surtout en 1964 avec sa chanson « les copains d’abord » qu’il va être reconnu comme un « monument » de la chanson française. Cette chanson écrite pour un film d’Yves Robert est devenue un véritable hymne à l’amitié et est souvent entonnée lors de réunions familiales ou en fin de repas avec les amis. En 1967, il est à nouveau récompensé par le grand prix de poésie de l’Académie Française, le summum en matière de poésie. Après quelques albums sortis dans les années 70 et une série de concerts à Bobino, salle dans laquelle il fait ses adieux à la scène en 1977, il meurt d’un cancer en octobre 1981 ; il sera enterré comme il le souhaitait dans sa ville natale, à Sète.

Ses chansons font penser à des histoires que l’on raconte tout simplement, mais quand on y regarde de plus près le vocabulaire est très élaboré ; il fait aussi preuve d’une très grande richesse culturelle. Sa musique elle aussi, peut a priori sembler simpliste et répétitive mais parlez-en aux musiciens : tous vous diront qu’elle est au contraire sophistiquée et complexe, un vrai bonheur pour les « bons » guitaristes.

Un humaniste avant tout.

Voilà donc un rapide résumé de la vie du poète, mais revenons un peu sur la teneur de ses chansons, prenons par exemple sa « chanson pour l’Auvergnat » ; on pourrait croire qu’il propose là une sorte d’évangile à la Brassens, copie presque conforme de celui de Matthieu (25, 35-36) : « j’avais faim et vous m’avez nourri, j’avais soif vous m’avez donné à boire, etc. ». Dans cette chanson, le Christ est remplacé par un marginal, réputé pingre, un Auvergnat, qui mérite plus que beaucoup de « se retrouver devant le Père éternel… », Voilà qui résume parfaitement Georges Brassens ; anticlérical notoire, il était avant tout un grand humaniste… bourré de talent.

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